Rapport sur le port du voile intégral : ce que j’en pense

A l’instar de l’identité nationale, le débat concernant le port du voile intégral en France déchaîne souvent trop les passions. L’Assemblée Nationale s’est saisi du sujet et a demandé au député Gérin de conduire une mission de réflexion autour du port du voile intégral en France. Ce rapport a été présenté ce matin à Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée Nationale.

Je vous propose de parcourir ensemble les 18 propositions.

Proposition n° 1 :

  • Adopter une résolution condamnant le port du voile intégral comme contraire aux valeurs de la République, affirmant le soutien de la représentation nationale aux efforts engagés par les acteurs de terrain pour combattre cette pratique, condamnant les discriminations et les violences faites aux femmes et affirmant la solidarité de la France à l’égard des femmes qui en sont victimes de par le monde ;
  • Diffuser cette résolution par voie de circulaire afin de la porter à la connaissance des agents publics.

Je crois fermement que le port du voile est en effet contraire aux lois de la République et qu’il est important d’en condamner le port sur le territoire national, métropolitain et outre-mer, et ce le plus rapidement possible. Il est en effet inadmissible en France que l’on ne soit pas en mesure de savoir qui est la personne qui se trouve en face de soi, du fait du port de quelque objet que cela soit, en l’occurrence un voile.

Proposition n° 2 :

  • Permettre largement des actions de médiation à l’attention des femmes portant le voile intégral et de leur entourage, afin de comprendre leurs motivations, en établissant des protocoles rassemblant tous les acteurs concernés.

Cette phase de compréhension et d’explication est nécessaire car si tout français se doit de respecter le pacte républicain, cela ne dispense pas les autorités, quelles qu’elles soient, de prendre la mesure des motivations des femmes qui aujourd’hui portent le voile intégral.

Proposition n° 3 :

  • Renforcer la formation civique délivrée dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration en l’inscrivant dans le moyen terme.

Cette proposition s’inscrit dans la droite ligne de la connaissance et la compréhension du mode de fonctionnement des relations sociales en France. Cette formation civique est impérative pour toute personne qui vit en France, qu’elle qu’en soit l’origine, qu’elle qu’en soit l’ethnie, qu’elle qu’en soit la culture. Cela ramène au devoir de l’Education Nationale vis-à-vis de l’enseignement des valeurs de la République Française, de ses institutions.

Proposition n° 4 :

  • Généraliser la formation des agents en contact direct avec les usagers aux règles de la laïcité et à la gestion des incivilités.

Je ne suis pas persuadé que le problème soit pris dans le bon sens. En effet, s’il est important que les personnes accueillant du public soient formées à la gestion de situation qui par définition sont exceptionnelles, il est en revanche intolérable d’instituer les incivilités comme étant la règle. Il me semble qu’il faut d’abord traiter l’origine des incivilités plutôt que la manière de réagir à ces actes.

Proposition n° 5 :

  • Mettre en œuvre la proposition n° 18 du rapport de la mission d’évaluation des politiques de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, qui vise à prévenir les violences sexistes à l’école et à former les enfants à l’égalité femme-homme et à la mixité.

Pour rappel, voici la proposition 18 dudit rapport :

  • Inscrire dans le projet d’établissement les actions à mener pour promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons et l’éducation au respect ;
  • Systématiser ces actions en les inscrivant dans des programmes validés par les académies et permettant de toucher les différentes classes d’âge ;
  • Inscrire dans la formation des professeurs l’égalité entre les filles et les garçons comme une compétence devant être évaluée et validée.

Faut-il comprendre ici que nous sommes dans l’obligation d’attendre qu’un rapport de janvier 2010 soit écrit pour que l’on mette en oeuvre une proposition d’un rapport rendu fin 2008 ? J’ose espérer que non. Cependant, et après ce préambule, la dernière partie de la proposition est tout de même particulièrement inquiétante comme elle présuppose, si il est besoin de l’évaluer, que l’égalité entre les filles et les garçons ne va pas de soi dans l’école de la République ; celle là même qui porte gravée sur sa porte Liberté, Egalité, Fraternité ! Bien sur, ce n’est pas à l’école de faire l’éducation des enfants, c’est de la responsabilité de leur parents, mais là, je suis tout de même dubitatif…

Au-delà de ce propos « poil à gratter », à dessein, il est absolument évident et fondamental de garantir l’égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et le hommes, en toute circonstance et en tout lieu du territoire de la République Française.

Proposition n° 6 :

  • Donner tout son rôle à l’Observatoire de la laïcité, créé en 2007.

Dont acte.

Proposition n° 7 :

  • Créer une École nationale d’études sur l’islam.

Cette idée me paraît particulièrement intéressante comme la connaissance désamorce toujours les différents, ou à défaut, permet souvent de les régler de manière raisonnable et dans la diplomatie. Cela étant, il faut être particulièrement attentif à ce que cette école nationale ne soit pas un prétexte ou, pire encore, une simple bonne conscience permettant d’éviter de travailler directement sur les difficultés éprouvées par certains musulmans pour s’intégrer à la société Française, avec parfois plus ou moins de bonne volonté. Cette école nationale, si elle est effectivement créée porte en elle les germes soit d’une brillante réussite soit d’un cuisant échec ; il faudra donc s’atteler à trouver les femmes et hommes à la hauteur de cette noble tâche.

Proposition n° 8 :

  • Engager un travail parlementaire sur l’islamophobie et sur la lutte contre les discriminations à l’encontre des personnes de confession musulmane.

Ce travail est effectivement incontournable et ne doit en aucun cas se limiter à une contribution parlementaire. C’est en effet un sujet qui doit être travaillé de la manière la plus large possible, en prenant soin d’inclure l’ensemble des acteurs ; et quand je dis l’ensemble des acteurs, je ne parle pas que des « sachants », je parle aussi et surtout de nos compatriotes, de toutes origines, de toutes confessions, et de toutes opinions politiques ! Se contenter d’un débat d’expert serait à nouveau à l’origine d’incompréhensions et ne ferait qu’augmenter certaines difficultés déjà existantes.

Proposition n° 9 :

  • Engager une réflexion quant aux moyens d’assurer une juste représentation de la diversité spirituelle.

Cette proposition nous renvoie instantanément à deux points : la séparation des cultes et de l’état, la notion de juste représentation ! Est-ce à l’Etat ou aux institutions de la République de garantir une représentation juste de la diversité spirituelle ? Je ne crois pas, c’est l’affaires des responsables des différents cultes, c’est à eux de s’organiser, pas à l’Etat. D’autre part, sur quels critères peut on se baser pour « donner des voix » à chacune des spiritualité à une juste mesure et dans le respect des français qui se reconnaissent dans telle ou telle spiritualité ? Le critère quantitatif paraît de prime abord apporter une objectivité, mais je ne suis pas persuadé que tout le monde l’accepte. Il faut, pour ce faire, que chacune des spiritualités qui rassemblent le plus de nos concitoyens se dotent d’autorités incontestables. Cela ne semble pas être d’une évidence absolue…

Proposition n° 10 :

  • Donner instruction aux services de l’État de signaler systématiquement au président du conseil général les situations de mineures portant le voile intégral, dans le cadre de la protection des mineurs en danger.

Je souscris totalement et sans réserve à cette proposition qui renvoie immédiatement à la première proposition de ce rapport en l’aggravant du fait de la non majorité des personnes.

Proposition n° 11 :

  • Prévoir la création d’un délit de violences psychologiques au sein du couple.

L’idée est belle… la mise en oeuvre risque de manquer de consistance ! Et pourquoi limiter ce délit de violence psychologique au cadre du couple ? Dans cette mesure et en restant dans le sujet du port du voile intégral, on pourrait considérer qu’une épouse contrainte de porter ce voile subirait une violence psychologique, alors que sa propre fille majeure au foyer, portant elle aussi le voile sous la contrainte, ne subirait elle aucune violence psychologique. Cette proposition est a minima incomplète.

Proposition n° 12 :

  • Compléter l’article 24, alinéa 9, de la loi du 29 juillet 1881 pour y introduire la provocation à l’atteinte à la dignité de la personne.

Je suis évidemment d’accord avec cette proposition qui complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la Presse.

Proposition n° 13 :

  • Demander à la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) de dresser un état des lieux des éventuelles dérives sectaires qui pourraient avoir lieu dans l’entourage des personnes portant le voile intégral et dont ce dernier pourrait être le révélateur.

Je soutiens totalement cette proposition.

Proposition n° 14 :

  • Prendre en compte, dans les demandes d’asile, la contrainte à porter le voile intégral comme indice d’un contexte plus général de persécution.

Cette possibilité me paraît très complexe et particulièrement sensible. Si la contrainte, que ce soit du port du voile intégral ou autre, est inadmissible, je ne suis pas sur qu’elle soit un commencement de preuve suffisant pour entamer une procédure de demande d’asile. D’autre part, la question posée concerne le territoire français métropolitain et d’outre-mer et la première proposition de ce rapport nous rappelle l’incompatibilité du port du voile intégral et des valeurs de la République. De fait, quiconque entre sur le territoire, via une demande d’asile ou de manière plus régulière, se voit dans le devoir de respecter les valeurs de la République et donc de ne pas porter de voile intégral. J’ai peur que cette proposition ne soit pas dans son juste contexte en l’occurrence.

Proposition n° 15 :

  • Afin de conforter les agents publics, adopter une disposition interdisant de dissimuler son visage dans les services publics.

Au delà du fait de les conforter, il s’agit aussi d’assurer leur sécurité et de leur garantir la possibilité de savoir qui est la personne qui se présente à eux ; totalement d’accord avec cette proposition.

Proposition n° 16 :

  • Modifier les articles L. 211-2-1 et L. 411-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) afin de mentionner « l’égalité entre les hommes et les femmes et le principe de laïcité » parmi les valeurs que doivent connaître les personnes désirant se voir délivrer un visa de long séjour ou désirant bénéficier du regroupement familial ;
  • Modifier l’article L. 314-2 du CESEDA afin de refuser la délivrance d’une carte de résident aux personnes qui manifestent une pratique radicale de leur religion, incompatible avec les valeurs de la République, en particulier le principe d’égalité entre hommes et femmes, ceci étant considéré comme un défaut d’intégration.

Je suis en accord total et sans réserve au regard de cette proposition.

Proposition n° 17 :

  • Introduire aux articles 21-4 et 21-24 du code civil relatifs à l’acquisition de la nationalité française une disposition explicitant qu’est considéré comme un défaut d’assimilation le fait de manifester une pratique radicale de sa religion, incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, notamment avec le principe d’égalité entre les hommes et les femmes.

Je suis en accord total et sans réserve au regard de cette proposition.

Proposition n°18:

  • Recueillir l’avis du Conseil d’État en amont de l’éventuel examen d’une proposition de loi interdisant de dissimuler son visage dans l’espace public.

100% d’accord, nous sommes en République et c’est le principe même des valeurs républicaines que de soumettre une éventuelle proposition de loi au Conseil d’Etat.

5 réflexions sur “Rapport sur le port du voile intégral : ce que j’en pense

  1. Bien qu’hostile au port de la burka et profondément laïque dans l’esprit de la République, je ne vois pas l’intérêt de faire une loi . Tout est contenu dans les lois instaurant en France un état indépendant des religions quelles qu’elles soient . Faire une loi et à trop en parler, on ne peut que cristalliser des attitudes radicales . Il serait plus positif, je crois, de dire aux jeunes dans les collèges et lycées tout ce que notre pays a pu apporter de libertés aux femmes , combien elles se sont battues pour cela dans les dernières décennies, à quel prix parfois et leur faire toucher du doigt que cette atteinte à l’identité des femmes est une insulte pour celles qui les ont obtenues et celles qui se battent encore aujourd’hui pour y accéder. Parler, instruire, vaudront mieux que légifèrer,. ainsi qu’établir des contacts et des discussions avec les responsables religieux concernés. De plus je ne vois pas vraiment comment mettre en application une telle loi sur le terrain.

    Avec toute mon affection

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  2. Je crains que la problématique ne soit pas liée à une religion, mais plutôt à la dimension fondamentaliste et totalement extrémiste qui résulte de l’interprétation d’une religion, en l’occurrence l’islam.
    Il apparaît donc que la législation ne s’applique pas à une religion mais aux dangereuses dérives qui parfois apparaître à la marge ; et je crois profondément que légiférer s’imposer face à des comportements insensibles à la raison.
    Tout ceci n’excluant évidemment pas les actions en amont d’information et de programmes liés à l’Éducation Nationale.
    L’affection est pour le moins réciproque !

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  3. Je pense pour ma part que oui il faut légiférer mais attention de ne pas faire de loi « anti islam » …. car même si le fond l’emporte et c’est tant mieux « je veux dire par là que cette loi est là pour protéger la république, elle peut être à la fois mal interprété et aussi manipulé par certain extrémistes, et ces derniers y verront là une opportunité à justifier leur paroles et leurs actes.

    Donc attention ,et je compte sur l’éducation (malheureusement ne prenant pas compte du devoir des parents sic…) il va falloir être très vigilant quand à la mise en place de ce process.

    amicalement

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  4. Rachid,
    Je vous remercie de votre commentaire et me félicite que vous partagiez mon avis sur le sujet.
    Bien amicalement,
    Thierry

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  5. Thierry

    Étant moi même de droite ,je ne peut qu’aller dans le sens de la justice républicaine qui vise à préserver l’intégrité de chaque citoyens dans le respects de ses lois.

    Mais comme pour le débat sur la nationalité (c’est quoi être Français?) débat qui a déjà eu lieu dans d’autres pays…sans faire de vague…., nous avons ici des individus (extremes de TOUS bords « droite et gauche » confondus) qui par le biais de la démagogie utilise leur droits de parole pour faire en sorte que d’autres ne puisse pas avoir ce même droit (je passe les NPA/PC etc… ) mais comment dans une république comme la notre un parti politique dis républicain ,peut avoir une attitude anti démocratique (je parler du PS évidement), noublions pas les propos de M.Valls qui dans un marché parle de ses concitoyens avec des termes peu flatteurs (blacks white …) et en même temps dénonce un débat qui nous permets à nous citoyens de se définir en notre âme et conscience.

    Donc oui je suis en accord avec votre analyse et en suis fier car nous ne pouvons pas laisser des minorités dicté notre conduite.

    amicalement

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